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est étranger à la politique, c’est un petit assassinat comme on en compte cent par an dans ses heureux États, et le comte m’a juré qu’il a fait prendre les renseignements les plus exacts, et que Fabrice est innocent. Ce Giletti n’était point sans courage : se voyant à deux pas de la frontière, il eut tout à coup la tentation de se défaire d’un rival qui plaisait.

La duchesse s’arrêta longtemps pour examiner s’il était possible de croire à la culpabilité de Fabrice : non pas qu’elle trouvât que ce fût un bien gros péché, chez un gentilhomme du rang de son neveu, de se défaire de l’impertinence d’un histrion ; mais, dans son désespoir, elle commençait à sentir vaguement qu’elle allait être obligée de se battre pour prouver cette innocence de Fabrice. Non : se dit-elle enfin, voici une preuve décisive ; il est comme le pauvre Pietranera, il a toujours des armes dans toutes ses poches, et, ce jour-là, il ne portait qu’un mauvais fusil à un coup, et encore, emprunté à l’un des ouvriers.

Je hais le prince parce qu’il m’a trompée, et trompée de la façon la plus lâche ; après son billet de pardon, il a fait enlever le pauvre garçon à Bologne, etc. Mais ce compte se réglera. Vers les cinq heures du matin, la duchesse, anéantie par ce long accès de désespoir, sonna ses femmes ; celles-ci jetèrent un cri. En l’apercevant sur son lit, tout habillée, avec ses diamants, pâle comme