Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/111

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duchesse et même qu’il ne guérît la prétendue maladie de ses yeux. La vanité sans bornes du médecin bossu jouit délicieusement de cet appel au château ; cela seul manquait à sa gloire dans le pays. Il résolut de produire une impression profonde. Selon lui, la duchesse devait mourir d’ennui ; en conséquence, pendant la première moitié de la visite, il fut d’une grossièreté parfaite ; il adressait les mots les plus étranges à cette grande dame, dont il savait si bien que le langage était si mesuré et si élégant.

Puis il fut émerveillé de la maladie de la jeune fille.

— Voici un cas bien rare en Normandie, se dit-il ; c’est l’ennui et l’ennui malgré le carrosse de la duchesse, l’excellent cuisinier, les primeurs, les beaux meubles du château, etc. Ceci devient curieux ; donc ne pas me faire chasser : j’ai appliqué le caustique grossier avec assez de force. D’ailleurs cette femme peut se trouver mal, s’évanouir, je m’ennuierais ici. Plus de mesure, monsieur le docteur ! La chose la plus cruelle que je puisse inventer pour le service de cette grande dame qui me déteste en ce moment, c’est de renvoyer la petite chez ses parents.