Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/118

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rempli votre château, eût voulu me le permettre, j’aurais pénétré en secret auprès de l’intéressante malade et j’aurais substitué aux poisons que lui administrait ce charlatan de Paris les remèdes véritables ; mais je n’ai pu. Remarquez, madame, que je courais les risques d’un procès criminel pour sauver une petite fille qui vous amuse. C’est ainsi, madame la duchesse, que la sottise, même dans le cas le plus indifférent en apparence, peut amener la mort. Pendant huit jours, je me suis arrangé pour avoir matin et soir des nouvelles de la petite. Elle était mourante et pouvait à chaque instant être saisie d’un vomissement de sang pendant lequel elle serait morte dans vos bras. S’il lui eût été donné, au moment suprême, de connaître la vérité, elle eût pu vous dire : « Madame la duchesse, vous me tuez ; vous avez sacrifié ma vie à votre répugnance pour le langage ferme et noble de la vérité ; la vérité vous a choquée parce qu’elle se trouvait dans la bouche d’un pauvre médecin de campagne. »

La duchesse fut atterrée des paroles du docteur ; elle crut entendre un prophète ; elle avait si gauchement arrangé sa vie que, depuis longtemps, personne ne se donnait la peine d’être éloquent