Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/145

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moins cent cinquante francs, l’on avait compté sur une assiduité sans bornes. La duchesse mena ce jeune curé dans la chaumière habitée par Lamiel. Il fut frappé de la grâce qu’il y avait dans la réunion d’un esprit vif, audacieux et de la plus grande portée, avec une ignorance à peu près complète de toutes les choses de la vie et une âme parfaitement naïve. Par exemple, un soir que la duchesse montait en voiture pour aller passer la soirée dans la chaumière des Hautemare avec l’abbé Clément, on apporta de la diligence de Paris une caisse énorme que l’abbé eut la complaisance d’ouvrir. C’était un magnifique portrait, le cadre seul coûtait plusieurs milliers de francs. Ce portrait était celui de Fédor de Miossens, fils unique de la duchesse, portant l’uniforme de l’École polytechnique. La duchesse fit ouvrir le landau, malgré l’horreur qu’elle avait pour l’humidité du soir. Elle voulait montrer ce portrait à l’aimable Lamiel, et elle n’osait en quelque sorte se livrer à son ravissement avant d’avoir l’opinion de l’être aimable qui disposait de son cœur. Arrivée dans la chambre de Lamiel, la duchesse se livra aux éloges les plus exagérés, mais son œil interrogeait sa favorite qui ne répondait guère.