Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/215

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la médaille. Les conversations de la duchesse et de l’abbé Clément, la rude philosophie du docteur Sansfin avaient cultivé d’une façon brillante les germes d’esprit qu’elle avait reçus de la nature ; mais pendant qu’elle employait ainsi de longues soirées, elle n’avait aucune occasion de se soumettre aux impressions et aux petites mortifications que donne le rude contact avec des égaux. Elle n’avait pour toute expérience que celle de l’impertinence d’une troupe de femmes de chambre envieuses ; elle avait seize ans, et la moindre petite fille du village en savait bien plus qu’elle sur les jeunes gens et sur l’amour. En dépit des poètes, ces choses-là n’ont rien d’élégant au village ; tout y est grossier et fondé sur l’expérience la plus claire.

Lamiel arriva jusque dans la chambre de Mlle Anselme avec des yeux qui firent peur à celle-ci, tant ils étaient animés par le désespoir. Lamiel venait de traverser le salon où si souvent l’abbé Clément lui avait adressé des paroles si gracieuses, et maintenant il refusait de la recevoir.

La vieille femme de chambre avait préparé une quantité d’impertinences polies qu’elle se proposait d’adresser à Lamiel à la première vue. Elle