Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/218

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teur Sansfin dit que sont les femmes de cinquante ? Je m’irrite de tout et je suis en colère contre le genre humain.

L’exemplaire de Gil Blas que Lamiel avait pris au château avait des estampes ; c’est ce qui la détermina à ouvrir ce livre de préférence aux autres. Elle avait réussi à introduire tous ces volumes dans la tour sans être aperçue par son oncle, que la vue de tant de livres n’eût pas manqué de mettre en colère ; car, quoique maître d’école, il répétait souvent :

« Ce sont les livres qui ont perdu la France. »

C’était une des maximes du terrible Du Saillard, le curé de la paroisse. En cachant ces livres au rez-de-chaussée de la tour, Lamiel avait lu quelques pages de Gil Blas ; elle y avait trouvé tant de plaisir qu’elle osa sortir de la maison par une fenêtre du derrière, sur les onze heures, quand elle vit sa tante et son oncle profondément endormis. Elle avait la clef de la tour, elle y entra, et lut jusqu’à quatre heures du matin. En revenant se coucher, elle était parfaitement heureuse ; elle n’était plus en colère contre elle-même. D’abord, l’esprit rempli des aventures racontées par Gil Blas, elle ne songeait plus guère aux sen-