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Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/217

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du profond dégoût que me donnent les compliments mielleux de cette fille qui m’exècre ; je néglige le précepte du docteur : juger toujours la situation et s’élever au-dessus du sentiment du moment. Je puis m’emparer de tous les livres dont madame me défendait la lecture avec tant de rigueur. Elle prit les romans de Voltaire, la correspondance de Grimm, Gil Blas, etc.

Mlle Anselme avait dit qu’elle prendrait la liste des ouvrages choisis ; mais pour éviter cette liste accusatrice, Lamiel eut l’esprit de s’adresser aux livres non reliés et destinés à être lus. Mlle Anselme, voyant que les livres qu’elle emportait n’étaient point reliés, se contenta de les compter. En rapportant ce fardeau à la maison, Lamiel était d’une tristesse profonde ; elle ne pouvait répondre à une question qu’elle se faisait, ce qui la mettait en colère contre elle-même :

— Comment ! se disait-elle, je m’irrite de la grossièreté pleine de bienveillance que je trouve chez mon oncle, et je m’irrite encore de la politesse trop mielleuse de cette mademoiselle Anselme, qui voudrait de tout son cœur me voir au fond du grand étang, comme disait le docteur Sansfin ; je suis donc à seize ans comme le doc-