Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/256

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Le duc fut héroïque ; il donna un baiser, mais il ne savait pas trop que dire.

— Je vous rends votre liberté, lui dit Lamiel ; retournez chez vous, vous n’aimez pas les filles qui ont des joues en dartres.

— Parbleu si ! dit le duc avec une résolution héroïque ; vous vous êtes compromise à mon occasion, et jamais je ne vous abandonnerai.

— Bien vrai, dit Lamiel, eh bien ! baisez encore… Je vous avouerai que c’est une dartre qui reparaît tous les deux ou trois mois, au printemps surtout. Êtes-vous tenté de baiser cette joue ?

C’était la première fois que le duc la sentait répondre à ses caresses.

— J’ai conquis votre amour, lui dit-il en l’embrassant avec transport. Mais ce mal, ajouta-t-il avec étonnement, n’ôte rien à la fraîcheur et au velouté de votre peau.

Lamiel avait mouillé son mouchoir ; elle le pressa sur la joue malade et se jeta dans les bras du duc. S’il n’eût pas été si heureux et si timide, il obtenait là tout ce qu’il désirait avec tant d’ardeur ; mais, lorsqu’il osa, il était trop tard d’une minute.