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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/115

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et pouvait à chaque instant être saisie d’un vomissement de sang pendant lequel elle serait morte dans vos bras. S’il lui eût été donné au moment suprême de connaître la vérité, elle eût pu dire : « Madame la duchesse, vous me tuez ; vous avez sacrifié ma vie à votre répugnance pour le langage ferme et noble de la vérité. La vérité vous a choquée parce qu’elle se trouvait dans la bouche d’un pauvre médecin de campagne. »

La duchesse fut atterrée des paroles du docteur ; elle crut entendre un prophète ; elle avait si gauchement arrangé sa vie, que depuis longtemps, personne ne se donnait la peine d’être éloquent pour la désennuyer. Elle laissait aller sa vie comme du temps où sa beauté et des mots charmants peuplaient son salon.

Le docteur augmenta à plaisir l’indisposition de la grande dame, il la rendit folle de douleur, il est vrai que tous les jours, pendant une heure, il la soumettait à l’horrible magnétisme de son éloquence infernale. La duchesse fut si indisposée qu’elle n’eut plus la force de venir voir deux fois par jour Lamiel chez ses parents. Alors, par les soins du docteur qui voulait la guérir de sa langueur, elle en vint à un tel point de folie qu’elle quitta le château pour venir passer publiquement plusieurs