Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/116

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jours dans la chaumière voisine de celle des Hautemare, que le docteur fit évacuer et meubler en quelques heures. Ce qui augmentait le zèle de Sansfin, c’est que le Du Saillard était furieux et employait tout son génie à chercher un moyen quelconque d’éloigner le médecin bossu. Le moyen de défense de celui-ci fut bien simple. Tout le monde à Carville avait peur du curé. Le docteur, après l’avoir répété sur tous les tons deux ou trois cents fois, fit comprendre à la duchesse et au village que le curé était jaloux de lui parce qu’il avait sauvé la vie à la petite Lamiel, pour laquelle il avait voulu faire appeler un médecin de Paris. La chose, une fois bien expliquée, était si claire que tout le village saisit l’anecdote (langage de commis marchand), et la grande agitation du curé Du Saillard ne fut plus une énigme. Le docteur ne négligea rien pour faire comprendre la vérité aux curés du voisinage, lesquels furent charmés de pouvoir reprocher une faiblesse à ce terrible curé de Carville, chargé de les surveiller.

Le grand intérêt qu’il mettait à réussir avait produit un grand effet sur le docteur. Il s’était désennuyé lui-même. Il vivait fort bien, il avait six mille livres de rente et triplait ce revenu par son état. Sa meute était nombreuse, ses fusils anglais