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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/135

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la vieille tour, sans songer qu’ils préparaient des chaînes pour les gens de basse classe, ils ont fait une forteresse qui pourra servir de refuge à tous les honnêtes gens, si jamais les jacobins se remettent à brûler les châteaux.

Cette idée consolante compléta le charme de cette journée. Les dames dansèrent de huit heures à minuit, et leurs maris, tout occupés de la tour, ne songèrent que fort tard à faire replacer les chevaux à leurs voitures. Les paysans dansèrent jusqu’au jour. Le docteur était monté à cheval et avait fait arriver dans la prairie des barriques de bière, et même de vin.

Cette journée changea du tout au tout la manière d’être de la duchesse avec ses voisins, et ce fut aussi l’époque où elle oublia entièrement la manière barbare dont la nature avait traité cet homme si aimable, le docteur Sansfin.

Lamiel vit toute la fête, enfermée dans la voiture de la duchesse que l’on avait fait avancer au milieu de la prairie et dont on avait levé les glaces. La duchesse vint voir plus de vingt fois si sa favorite n’était pas incommodée par l’humidité. Son avarice, passion dominante jusque-là, était tout à fait subjuguée.

Huit jours après cette fameuse fête à la tour d’Albret qui restera longtemps