Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/150

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venir ; mais on ne me dit jamais clairement ce que c’est ; eh bien ! monsieur l’abbé, vous en qui j’ai tant de confiance, qu’est-ce que c’est que l’amour ?

La conversation avait été jusque-là tellement sincère et naïve que le jeune prêtre, distrait par son amour, n’eut pas la présence d’esprit de répondre qu’il ignorait ce que c’était que l’amour, il dit étourdiment :

— C’est une amitié tendre et dévouée qui fait que l’on éprouve un suprême bonheur à passer sa vie avec l’objet aimé.

— Mais dans tous les romans de Mme de Genlis que madame me fait lire, c’est toujours un homme que l’on voit amoureux d’une femme. Deux sœurs par exemple, passent leur vie ensemble, elles ont l’une pour l’autre la plus tendre amitié, et pourtant on ne dit point qu’elles ont de l’amour.

— C’est, répondit le jeune prêtre, que l’amour doit être sanctifié par le mariage, et cette passion devient vite criminelle si elle n’est consacrée par un sacrement.

— Ainsi, reprit Lamiel, avec une innocence parfaite, mais pourtant en sentant bien qu’elle allait embarrasser l’abbé Clément, ainsi vous, monsieur le curé, vous ne pouvez pas sentir l’amour car vous ne pouvez pas vous marier.