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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/151

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Ce mot était lancé avec tant d’esprit et accompagné d’un regard si singulier que le pauvre prêtre resta immobile, les yeux démesurément ouverts et fixés sur Lamiel.

« Sent-elle la force de ce qu’elle dit ? se demandait-il à lui-même ; en ce cas, j’ai tort de paraître si souvent au château ; l’extrême confiance qu’elle a en moi est bien voisine de l’amour et semble y conduire. »

Ces idées charmantes occupèrent bien pendant vingt secondes l’âme du jeune prêtre, puis il se dit avec horreur :

« Grand Dieu, qu’est-ce que j’ai fait ? Non seulement je cède à une passion coupable pour moi-même, mais encore je m’expose à séduire une jeune fille dont la vertu m’est confiée par un engagement tacite, il est vrai, mais qui, par là, ne doit être que plus sacré pour moi. »

— Ma fille !… lui dit-il du ton qu’il prenait en chaire et avec un éclat de voix tellement extraordinaire qu’il fit lever les yeux à la duchesse et aux deux dames qui lui parlaient à voix basse. Après ce mot, le jeune curé, comme hors de lui-même par l’effort qu’il venait de faire, se redressa de toute sa hauteur, ce qui étonna beaucoup Lamiel et même l’amusa :

« Je suis parvenue à le piquer d’honneur,