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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/203

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n’avait aucune occasion de se soumettre aux impressions et aux petites mortifications que donne le rude contact avec des égaux. Elle n’avait pour toute expérience que celle de l’impertinence d’une troupe de femmes de chambre envieuses ; elle avait seize ans, et la moindre petite fille du village en savait bien plus qu’elle sur les jeunes gens et sur l’amour. En dépit des poètes, ces choses-là n’ont rien d’élégant au village ; tout y est grossier et fondé sur l’expérience la plus claire.

Lamiel arriva jusque dans la chambre de Mme Anselme avec des yeux qui firent peur à celle-ci, tant ils étaient animés par le désespoir. Lamiel venait de traverser le salon où si souvent l’abbé Clément lui avait adressé des paroles si gracieuses, et maintenant il refusait de la recevoir. La vieille femme de chambre avait préparé une quantité d’impertinences polies qu’elle se proposait d’adresser à Lamiel à la première vue. Elle ne pardonnait point à la jeune fille les sept robes de soie de la duchesse sur lesquelles elle avait compté.

Mais sa première idée en voyant Lamiel fut qu’elle, Mme Anselme, était séparée par neuf grands pieds du premier salon où se trouvait peut-être un vieux valet de chambre sourd, elle fut donc avec la