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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/252

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Rouen, elle pourrait me croire ingrate et j’en serais au désespoir. »

Cette idée d’ingratitude choqua Fédor et lui parut de mauvais ton ; elle suppose une sorte d’égalité, et sans y avoir jamais réfléchi, avec la raison que lui avait faite la géométrie, il lui semblait que la nièce d’un chantre de campagne devait toutes sortes d’égards à une dame du rang de sa mère, quand bien même celle-ci n’aurait jamais eu de bontés pour elle, et qu’il y avait du ridicule à aller chercher le mot de reconnaissance. De plus il n’avait nulle envie d’aller s’exposer à des sermons éternels : mais Lamiel en ayant répété l’ordre, il fallut bien partir.

Lamiel fut gaie jusqu’à la folie en se trouvant seule et débarrassée des éternels propos aimables et complimenteurs du jeune duc. Elle commença par acheter une paire de sabots, et prit sous le bras la femme de charge de la maîtresse d’hôtel.

— Courons les champs, ma chère Marthe, lui dit-elle, fuyons cet éternel boulevard de Rouen que le ciel confonde.

Marthe, la voyant s’égarer à travers champs, suivant de petits sentiers, et quelquefois ne suivant pas de sentiers du tout et s’arrêtant pour jouir de son bonheur lui dit :

— Il ne vient pas ?