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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/266

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puisque demain il faudra les descendre ?

Jamais Mme Le Grand, qui avait entrepris de le faire monter chez lui, n’en put tirer d’autre réponse. Les deux domestiques qui l’avaient amené sortirent ; il menaçait de donner des coups de poing à l’anglaise à ceux de la maison dont il était énervé et qui demandèrent la permission à madame de ne pas se mêler de cet être désagréable. Le comte saisit ce mot au vol.

— Ah ! non certes, ce n’est pas un être désagréable ; je remarque fort bien qu’elle se tait dès que j’entre chez Mme Le Grand, mais n’importe, il y a quelque chose de singulier, d’original chez cette jeune fille. Et moi je veux la former. Avec ses grandes enjambées, elle me fera rougir quand je lui donnerai le bras ; elle ne sait pas porter un châle ; mais je lui plairai ou je mourrai à la peine. J’ai plu à tant d’autres, mais oui, c’est cela, celle-ci n’est pas comme une autre, et l’on me dit de monter, je ne veux pas être comme un autre. Tous les autres montent, et moi je ne monterai pas ; et n’ai-je pas raison, madame Le Grand, à quoi bon monter pour être obligé de descendre demain matin ?

Ce bavardage dura une grande heure. Mme Le Grand était fort embarrassée ; elle avait été femme de chambre dans une bonne maison et avait un [tel] fond de