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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/287

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annonçait une pension annuelle de pareille somme et lui faisait entendre qu’il serait son héritier.

Le comte reçut cette lettre à quatre heures, au moment d’aller dîner chez la marquise de Sassenage, où on l’attendait. Il ne donna pas deux secondes au plaisir ou à la surprise. Les cœurs dominés par la vanité ont une peur instinctive des émotions, c’est la grande route pour arriver au ridicule.

— Comment puis-je faire de ceci, se dit-il, une anecdote piquante et qui me fasse honneur au Cercle ?

Il partit pour Paris, monta en courant à la chambre de Lamiel et, sans daigner répondre au cri de joie de la bonne Mme Le Grand, il ouvrit la porte de Lamiel avec fracas, et se jetant à ses genoux :

— Je vous dois la vie, cria-t-il à Lamiel ; la passion que j’ai pour vous m’a fait tirer en l’air le pistolet que je venais d’armer. Une fois de sang-froid et songeant à vos charmes divins, j’ai fait savoir l’état de ma fortune à ma sœur. Le sang des Nerwinde ne pouvait se démentir ; elle m’a envoyé un paquet de lettres de change et vous avez encore le temps de vous habiller avant l’Opéra.

L’idée de l’Opéra et d’y être dans une