Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/286

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La marquise de Sassenage crut devoir faire porter cette parole à la baronne, toujours malade et à laquelle une haute dévotion avait ouvert les salons de l’ancienne noblesse de Périgueux, par le directeur de sa conscience. Ce directeur se trouva malade aussi, et ce fut Mgr l’évêque de X… lui-même qui alla parler à cette dévote importante et riche. Il était lui-même d’une famille appartenant à la bonne noblesse du Béarn, il comptait parmi ses aïeux un cordon rouge sous Louis XV. Par hasard il l’attendrit sur la chute de la noblesse, et cet attendrissement fut pour la baronne de Nerwinde la flatterie la plus agréable possible. Elle était donc de la vraie noblesse aux yeux de cet homme de qualité.

Deux jours après, la baronne fit un nouveau testament ; elle donnait tout son bien à ce frère Éphraïm, comte de Nerwinde, qu’elle avait tant maudit. Ce don pouvait s’élever à près d’un million ; mais elle y mettait une condition : elle voulait qu’il se mariât avant l’âge de quarante ans. Quelques jours après, la pitié pour le titre de son jeune frère faisant des ravages dans cette imagination mobile, la baronne envoya à son frère, avec qui elle était à couteaux tirés depuis deux ans, une lettre de change de six mille francs. Elle lui