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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/291

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dant le passage d’un mouton, était surtout bien à sa place devant une société de vingt personnes. Il parlait alors avec des effets et des associations pour atteindre à l’élégance qui faisaient mal aux personnes d’un goût délicat ; mais il avait la passion de parler et de raconter, et, assez grossier de sa nature, il ne sentait pas les chutes.

Cette passion de parler, de raconter, d’avoir raison sur tout, le mettait au supplice si quelqu’un racontait la moindre chose devant lui. Il avait certaines objections aigres à faire à tout ce qu’on disait qui empêchaient la moindre conversation de marcher en sa présence. La vie intime avec lui était un supplice. Sa mine souffrante, ou du moins morne et facilement offensante pour le lecteur, empêchait les saillies et toutes les sensations agréables, — les saillies qui font l’agrément de la conversation française et qui ont toujours besoin d’un certain degré de confiance dans les auditeurs, avec l’amour-propre desquels elles jouent le plus souvent.

Quelque philosophie indulgente et désir de bien vivre ensemble qu’eût l’interlocuteur, ses contradictions continuelles mettaient obstacle même à la conversation sur les choses les plus simples.

Lamiel était bien loin de pouvoir se