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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/292

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rendre compte de toutes ces choses. Bonne, simple, enjouée, heureuse, sans malice au fond du cœur, elle ne pouvait deviner d’où lui venait le désagrément de sa vie. Elle était ravie du rôle que le comte lui faisait jouer dans le monde et de la hauteur à laquelle il l’avait placée. Elle n’eût pas eu autant d’esprit, de brillant et de finesse dans la conversation si l’on ne l’eût pas écoutée avec une religieuse attention. Sans attention préalable, il faut frapper fort, comme les réparties d’un vaudeville.

— Et à qui dois-je cette bienveillance anticipée, même de la part des gens assistant pour la première fois à nos dîners ? Uniquement à la considération que le comte s’est acquise. Mais apparemment que les soins qu’il se donne pour cela le fatiguent : de là son humeur dans le tête-à-tête : eh bien ! abrégeons les tête-à-tête. En rentrant à la maison, tout mon contentement disparaît ; dès qu’il est seul avec moi, il devient âpre, presque insultant, lui qui se montre dans le monde d’une politesse si cérémonieuse ; il semble que je lui fasse un tort en lui adressant la parole, même pour lui demander son avis.

Toutes ces réflexions, plutôt senties qu’expliquées avec netteté, arrivèrent en foule à Lamiel, comme elle regardait ses