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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/84

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liers ; pourquoi ne marcherais-tu pas nu-pieds comme nous ?

Lamiel ne perdit point courage, elle monta dans le champ à droite du chemin et qui le dominait de plusieurs pieds ; de là elle rendit injures pour injures à ses ennemies.

— Vous voulez me voler mes beaux souliers parce que vous êtes cinq ; mais si vous me volez, le brigadier de gendarmerie, qui est ami de mon oncle, vous mettra en prison.

— Veux-tu bien te taire, petit serpent, fille du diable !

À ce mot, les cinq femmes se mirent à crier à tue-tête toutes ensemble : Fille du diable ! fille du diable !

— Tant mieux, répondait Lamiel, si je suis fille du diable ; je ne serai jamais laide et grognon comme vous ; le diable mon père saura me maintenir en gaieté.

À force d’économies, la tante et l’oncle de Lamiel étaient parvenus à réunir un capital rapportant dix-huit cents livres de rente. Ils étaient donc fort heureux, mais l’ennui tuait Lamiel, leur jolie nièce. Les esprits sont précoces en Normandie, quoique à peine âgée de douze ans, elle était déjà susceptible d’ennui, et l’ennui,