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la morale et la poésie

l’amour vrai, mais il n’a que des instants d’enthousiasme ; il se connaît trop, il se juge sans cesse ; loin d’égarer la pensée, il n’est bâti qu’à force de pensées.

De retour à la maison, quoi que pût dire madame de La Mole, Mathilde prétendit avoir la fièvre, et passa une partie de la nuit à répéter cette cantilène sur son piano. Elle chantait les paroles de l’air célèbre qui l’avait charmée :

Devo punirmi, devo punirmi,
Se troppo amai, etc.

Le résultat de cette nuit de folie, fut qu’elle crut être parvenue à triompher de son amour. (Cette page nuira de plus d’une façon au malheureux auteur. Les âmes glacées l’accuseront d’indécence. Il ne fait point l’injure aux jeunes personnes qui brillent dans les salons de Paris, de supposer qu’une seule d’entre elles soit susceptible des mouvements de folie qui dégradent le caractère de Mathilde. Ce personnage est tout à fait d’imagination, et même imaginé bien en dehors des habitudes sociales qui parmi tous les siècles assureront un rang si distingué à la civilisation du XIXe siècle.

Ce n’est point la prudence qui manque aux jeunes filles qui ont fait l’ornement des bals de cet hiver.