Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, II, 1927, éd. Martineau.djvu/399

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
398
le rouge et le noir

catastrophe dont je vous conseille de ne jamais ouvrir la bouche à être vivant, aura épuisé pour plusieurs années tout ce que je voyais de romanesque et de trop aventureux dans votre caractère. Vous étiez faite pour vivre avec les héros du moyen-âge ; montrez leur ferme caractère. Que ce qui doit se passer soit accompli en secret et sans vous compromettre. Vous prendrez un faux nom, et n’aurez pas de confident. S’il vous faut absolument le secours d’un ami, je vous lègue l’abbé Pirard.

« Ne parlez à nul autre, surtout pas de gens de votre classe : les de Luz, les Caylus.

« Un an après ma mort, épousez M. de Croisenois ; je vous en prie, je vous l’ordonne comme votre époux. Ne m’écrivez point, je ne répondrais pas. Bien moins méchant que Iago, à ce qu’il me semble, je vais dire comme lui : From this time forth I never will speak word.

« On ne me verra ni parler ni écrire ; vous aurez eu mes dernières paroles comme mes dernières adorations.

« J. S. »

Ce fut après avoir fait partir cette lettre que, pour la première fois Julien, un peu revenu à lui, fut très-malheureux. Chacune des espérances de l’ambition dut être arra-