Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/12

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Beyle s’y laisse prendre et cristallise insensiblement au sujet de cette jolie femme, aussi dès son nouveau congé et, pour une fois fidèle à ses théories d’attaque, déclare-t-il sans ambages ses sentiments et son espoir. Mais il ne remporte d’autre avantage que cette charmante lettre : « 25 décembre 1836. Ce n’est pas au duc de M. que j’écris, c’est à vous, mon ami, à vous qui êtes encore sous ma fenêtre. N’ayez point de regret de votre journée ; elle doit compter pour l’une des meilleures de votre vie, et pour moi c’est la plus glorieuse ! J’éprouve toute la joie d’un grand succès. Bien attaquée, bien défendue, pas de traité, pas de défaite, tout est gloire dans les deux camps. […] Beyle, croyez-moi ; vous valez cent mille fois mieux qu’on ne le croit, que vous ne le croyez vous-même, et que je ne le croyais il y a deux heures. Adèle ».

Leur liaison du moins ne fut pas rompue et se trouva même consolidée par cette escarmouche sans résultats. Une tendre amitié amoureuse s’ensuivit qui eut peut-être quelque influence sur madame Gaulthier. On peut penser en effet que son intimité avec Beyle, autant que la pression de quelque démon personnel, l’encouragea à entreprendre un roman et lui en fit remettre le manuscrit à l’auteur du Rouge et noir.