Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/263

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’était pas une petite affaire. En province, encore plus qu’à Paris, il faut commencer par devenir l’ami intime du mari, et le triste M. d’Hocquincourt toujours lamentable, toujours parlant de l’histoire de 93, et pour la défigurer, était peut-être de tous les habitants de Nancy, le plus ennuyeux pour Lucien.

« Voici les grands mobiles de ces gens-ci, pensait-il. Ils voient un Robespierre dans l’avenir et ils envient les gens qui ont pris leurs places dans le budget. L’éloignement marqué de tous ces jeunes gens vient surtout des 93 francs par mois que je leur vole. » Lucien surprenait tous les jours des sentiments d’envie pour les bourgeois qui, en se tuant de peine, font fortune par le commerce.] Vers la fin du dîner, Lucien se sentit une véritable bienveillance pour le marquis d’Antin et son aimable maîtresse. [Pour le mari, M. de Sauve-d’Hocquincourt, c’était un grand jeune homme blond, à moustaches presque diaphanes, très doux et très bon.]

Au café, M. Du Poirier eut la facilité de répondre avec prudence aux nombreuses questions que Lucien lui adressait sur madame d’Hocquincourt.

— Elle adore sincèrement son ami et commet pour lui les plus grandes imprudences. Son malheur, ou plutôt celui de