Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/264

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sa gloire, c’est qu’après deux ou trois ans d’admiration elle lui trouve des ridicules. Bientôt il lui inspire un ennui mortel et que rien ne peut vaincre. Alors, c’est à payer les places ; nous voyons cet ennui mettre sa bonté à la torture ; car c’est le meilleur cœur du monde et qui abhorre le plus d’être la cause d’un malheur réel. Ce qu’il y a eu de plaisant, je vous conterai ça en détail, c’est que le dernier de ses amis est devenu amoureux d’elle à la folie et jusqu’au tragique, précisément à l’instant où il commençait à l’ennuyer ; elle en fut mortellement peinée et ne sut, pendant six mois, comment se défaire de lui avec humanité. Je vis le moment où elle allait me demander une consultation à ce sujet ; dans ces moments elle a infiniment d’esprit.

— Et depuis combien de temps dure M. d’Antin ? dit Lucien avec une naïveté qui paya le docteur de tous ses soins.

— Depuis trente grands mois ; tout le monde s’en étonne ; mais il est d’un caractère aussi braque qu’elle : cela le soutient.

— Et le mari ? Il me semble qu’ils sont soupçonneux en diable dans la bourgeoisie de cette ville.

— En êtes-vous à vous apercevoir, dit M. Du Poirier avec une naïveté bien comique, qu’on n’a plus de gaieté ni de