Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/265

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savoir-vivre que dans la noblesse ? Madame d’Hocquincourt a fait le sien amoureux d’elle à la folie ; elle l’a fait amoureux au point de ne pouvoir devenir jaloux. C’est elle qui ouvre toutes les lettres anonymes qu’on lui écrit.

[— C’est de bonne foi qu’il se prépare au martyre, dit le docteur.

— Quel martyre ?

— Quatre-vingt-treize qui va revenir si Louis-Philippe tombe.

— Et vous prétendez le renverser ! voilà qui est plaisant.

Ce futur martyr avait été capitaine de grenadiers dans la garde de Charles X et avait montré beaucoup de bravoure en Espagne et ailleurs. Ces joues pâles ne se coloraient un peu que lorsqu’il était question de l’ancienneté de sa maison, alliée en effet aux Vaudémont, aux Chastellux, aux Lillebonne, à tout ce qu’il y avait de mieux dans la Province. Lucien découvrit une singulière idée qu’avait ce brave gentilhomme. Il croyait son nom connu à Paris et, par une sorte de jalousie instinctive, il était furieux contre les gens qui se font un nom par leurs écrits. On vint à nommer Béranger, on le cita comme un démon puissant qui avait préparé la chute de Charles X.

— Il doit être bien fier, dit quelqu’un.