Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/279

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père dit à sa femme, personne énorme de cinquante à soixante ans :

— Ma petite, offre une tasse de thé à M. Leuwen.

Comme madame Berchu n’écoutait pas, M. Berchu répéta deux fois sa phrase avec ma petite.

« Est-ce ma faute, pensait Lucien, si ces gens-là me donnent envie de rire ? » La tasse de thé prise, il alla admirer une robe vraiment jolie que mademoiselle Sylviane portait ce soir-là. C’était une étoffe d’Alger, qui avait des raies fort larges, marron, je crois, et jaune pâle ; à la lumière ces couleurs faisaient fort bien.

La belle Sylviane répondit à l’admiration de Lucien par une histoire fort détaillée de cette robe singulière ; elle venait d’Alger ; il y avait longtemps que mademoiselle Sylviane l’avait dans son armoire, etc., etc. La belle Sylviane, ne se souvenant plus de sa taille un peu colossale, ne manquait pas de pencher la tête aux endroits les plus intéressants de cette histoire touchante. « Les belles formes ! se disait Lucien pour prendre patience. Sans doute mademoiselle Sylviane aurait pu figurer comme une de ces déesses de la Raison de 1793 dont M. de Serpierre vient de nous faire aussi la longue histoire. Mademoiselle Sylviane aurait été toute