Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/323

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le sien, si elle n’allait nulle part. « Cela exigera quelques soins. Ce sera comme la prise d’assaut des salons de Nancy. » Par tous ces raisonnements philosophiques, le mot fatal d’amour fut éloigné, et il ne se fit plus de reproche. Il s’était moqué si souvent du piteux état où il avait vu Edgard, un de ses cousins ! Faire dépendre l’estime qu’on se doit à soi-même de l’opinion d’une femme qui s’estime, elle, parce que son bisaïeul a tué des Albigeois à la suite de François Ier : quelle complication de ridicule ! Dans ce conflit, l’homme est plus ridicule que la femme.

Malgré tous ces beaux raisonnements, M. de Busant de Sicile occupait l’âme de notre héros tout autant, pour le moins, que madame de Chasteller. Il mettait une adresse prodigieuse à faire des questions indirectes au sujet de M. de Busant et de l’accueil dont il avait été l’objet. M. Gauthier, M. Bonard et leurs amis, et toute la société du second ordre, exagérant tout, comme à l’ordinaire, ne savaient rien de M. de Busant, sinon qu’il était de la plus haute noblesse, et qu’il avait été l’amant de madame de Chasteller. On était loin de dire les choses aussi clairement dans les salons de mesdames de Commercy et de Puylaurens. Quand Lucien faisait des questions sur M. de Busant, on semblait