Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/386

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« Plût à Dieu que je n’eusse adressé aucune parole à M. Leuwen, » disait-elle aujourd’hui. Au Sacré-Cœur, une religieuse qui s’était emparée de son esprit en caressant tous ses petits caprices d’enfance, lui faisait remplir tous ses devoirs avec une sorte de religion par ces simples mots : « Faites cela par amitié pour moi. » Car c’est une impiété, une témérité menant au protestantisme, que de dire à une petite fille : « Faites telle chose parce qu’elle est raisonnable. » Faites cela par amitié pour moi répond à tout, et ne conduit pas à examiner ce qui est raisonnable ou non. Mais aussi, avec les meilleures intentions du monde, dès qu’elle était un peu émue madame de Chasteller ne savait où prendre une règle de conduite.

En arrivant sur le banc, près de la table de marbre, madame de Chasteller était au désespoir, elle ne savait où trouver un refuge contre le terrible reproche d’avoir pu paraître, aux yeux de Leuwen, manquer de retenue. Sa première idée fut de se retirer pour toujours dans un couvent.

« Il verra bien par le vœu de cette retraite éternelle que je n’ai pas le projet d’attenter à sa liberté. »

La seule objection contre ce projet, c’est que tout le monde allait parler d’elle,