Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/392

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madame de Chasteller en les entendant venir. Elle prit le parti de fermer les yeux et de ne pas répondre[1].

Madame de Chasteller ne voyait aucune excuse à ses torts prétendus, elle était aussi malheureuse que l’on puisse l’être dans les situations agitées de la vie. Si le malheur des âmes tendres n’arrive pas alors au comble de ce que la force de l’âme peut endurer, c’est peut-être que la nécessité d’agir empêche que toute l’âme ne soit tout entière à la vue de son malheur.

Leuwen mourait d’envie de pénétrer sur la terrasse à la suite des dames indiscrètes ; il fit quelques pas, mais bientôt il eut horreur de cet acte d’égoïsme grossier, et pour fuir toute tentation il sortit du bal, mais à pas lents. Il regrettait la fin de soirée qu’il abandonnait. Leuwen était étonné, et même, au fond du cœur, inquiet ; il était bien éloigné d’apercevoir toute l’étendue de sa victoire. Il éprouvait comme une soif d’instinct de repasser dans sa tête et de peser, avec tout le calme de la raison, tous les événements qui venaient de se passer avec tant de rapidité. Il avait besoin de réfléchir et de voir ce qu’il devait penser.

  1. Mouvement de passion répété plus bas auprès de la table aux caricatures. Le supprimer à l’un des deux endroits.