Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/105

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lution prise que son orgueil pouvait désirer. Leuwen sentait fort bien tout cela et était atterré.

Cette lâcheté de sa part augmenta le courage de madame de Chasteller. Il aurait dû se lever, saluer froidement madame de Chasteller, et lui dire :

« Vous exagérez, madame. D’une petite imprudence sans conséquence, et peut-être sotte chez moi, vous faites un crime in-folio. J’aimais une femme aussi supérieure par l’esprit que par la beauté, et, en vérité, je ne vous trouve que jolie en ce moment. »

En disant ces belles paroles, il fallait prendre son sabre, l’attacher tranquillement et sortir.

Bien loin de là : sans songer à ce parti, qu’il eût trouvé trop cruel pour soi et trop dangereux, Leuwen se bornait à être désolé d’être renvoyé. Il s’était bien levé mais il ne partait point ; il cherchait évidemment un prétexte pour rester.

— Je vous céderai la place, monsieur, reprit madame de Chasteller avec une politesse parfaite, au travers de laquelle perçait bien de la hauteur, et comme le méprisant de ce qu’il n’était point parti.

Comme elle repliait son pupitre pour le transporter ailleurs, Leuwen, tout à fait en colère, lui dit :