Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/118

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successivement, furent un enfer pour lui.

Ce lendemain arriva bien vite, et avec lui parut le sentiment vif du bonheur dont il allait se priver s’il n’allait pas à l’hôtel de Pontlevé. Tout lui semblait fade, décoloré, odieux, en comparaison de ce trouble délicieux qu’il trouverait dans la petite bibliothèque, en face de cette petite table d’acajou devant laquelle elle travaillait en l’écoutant parler. La seule résolution de s’y présenter changeait sa position dès ce moment.

« D’ailleurs, si je n’y vais pas ce soir, ajoutait Leuwen, comment m’y présenter demain ? (Son embarras mortel avait recours aux lieux communs.) Veux-je, après tout, me fermer cette maison ? Et pour une sottise encore, dans laquelle peut-être j’avais tort. Je puis demander une permission au colonel et aller passer trois jours à Metz… Je me punirais moi-même, j’y périrais de douleur. »

D’un autre côté, dans ses sentiments exagérés de délicatesse féminine, madame de Chasteller n’avait-elle point voulu lui faire entendre qu’il fallait rendre ses visites plus rares, par exemple les réduire à une par semaine ? En se présentant si tôt dans une maison de laquelle il avait été exclu en termes si formels, ne s’exposait-il pas à redoubler la colère de madame de