Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/169

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lequel il n’est plus permis de se présenter dans une maison non ouverte.

« C’en est fait, se dit madame de Chasteller, il est chez madame d’Hocquincourt. Puisqu’il ne vient plus, ajouta-t-elle avec un soupir, en perdant toute occasion de le voir il est inutile de tant m’interroger moi-même pour savoir si j’aurai le courage de lui parler sur la fréquence de ses visites. Je puis me donner quelque répit. Peut-être même ne viendra-t-il pas demain. Peut-être ce sera lui qui, sans effort de ma part, et tout naturellement, cessera de venir ici tous les jours. »

Lorsque Leuwen parut enfin le lendemain, elle aussi, deux ou trois fois depuis la veille, avait entièrement changé de pensée à son égard. Il y avait des moments où elle voulait lui faire confidence de ses embarras comme à son meilleur ami, et lui dire ensuite : « Décidez. » — « Si, comme en Espagne, je le voyais au travers d’une grille par la fenêtre, moi au rez-de-chaussée de ma maison, et lui dans la rue, à minuit, je pourrais lui dire des choses dangereuses. Mais si tout à coup il me prend la main en me disant, comme avant-hier, d’un ton simple et si vrai : « Mon ange, vous m’aimez », puis-je répondre de moi ? »

Après les salutations d’usage, une fois assis l’un vis-à-vis de l’autre, ils étaient