Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/239

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teur Merlin et que vous n’eussiez qu’un mot à dire pour arranger le matériel de votre destinée, que demanderiez-vous ? Voudriez-vous être commis dans mon comptoir, ou employé dans le bureau particulier d’un ministre qui va se trouver en possession d’une grande influence sur les destinées de la France, M. de Vaize, en un mot ? Il peut être ministre de l’Intérieur demain.

— M. de Vaize ? Ce pair de France qui a tant de génie pour l’administration ? Ce grand travailleur ?

— Précisément, répondit M. Leuwen en riant et admirant la haute vertu des intentions et la bêtise des perceptions.

— Je n’aime pas assez l’argent pour entrer au comptoir, répondit Lucien. Je ne pense pas assez au métal, je n’ai jamais senti vivement et longtemps son absence. Cette absence terrible ne sera pas toujours là, en moi, pour répondre victorieusement à tous les dégoûts. Je craindrais de manquer de persévérance une seconde fois si je nommais le comptoir.

— Mais si après moi vous êtes pauvre ?

— Du moins à la dépense que j’ai faite à Nancy, maintenant je suis riche ; et pourquoi cela ne durerait-il pas bien longtemps encore ?