Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/330

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hommes l’importune et l’irrite. C’est le genre de misanthropie que l’on pardonne le moins.

— Et vous voulez fermer la bouche à ses collègues de l’Intérieur. Mais au moins tâchez qu’ils ne viennent pas à nos mardis.

Le but de M. Leuwen était de ne pas laisser un quart d’heure de solitude à son fils. Il trouva qu’avec son heure d’Opéra tous les soirs le pauvre garçon n’était pas assez bouclé.

Il le rencontra au foyer des Bouffes.

— Voulez-vous que je vous mène chez madame Grandet ? Elle est éblouissante ce soir, c’est sans contredit la plus jolie femme de la salle. Et je ne veux pas vous vendre chat en poche : je vous mène d’abord chez Duvernoy, dont la loge est à côté de celle de madame Grandet.

— Je serais si heureux, mon père, de n’adresser la parole qu’à vous ce soir !

— Il faut que le monde connaisse votre figure du vivant de mon salon.

Déjà plusieurs fois M. Leuwen avait voulu le conduire dans vingt maisons du juste-milieu, fort convenables pour le chef du bureau particulier du ministre de l’Intérieur ; Lucien avait toujours trouvé des prétextes pour différer. Il disait :

— Je suis encore trop sot. Laissez-moi