Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/366

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et de précautions oratoires infinies, car le peuple de Paris a pris à la bonne compagnie sa haine pour les idées présentées brusquement, madame Kortis parla d’opium ; Lucien écouta cinq minutes d’éloquence conjugale et maternelle sur l’opium.

— Oui, dit Lucien négligemment, on dit que les républicains ont voulu donner de l’opium à votre mari. Mais le gouvernement du roi veille sur tous les citoyens. À peine ai-je eu reçu votre lettre que j’ai mené sept médecins ou chirurgiens auprès du lit de votre mari. Et voici leur consultation, dit-il en plaçant le papier dans les mains de madame Kortis.

Il vit qu’elle ne savait pas trop lire.

— Qui osera maintenant donner de l’opium à votre mari ? Toutefois, il est préoccupé de cette idée, cela peut empirer son état…

— C’est un homme confisqué, dit-elle assez froidement.

— Non, madame ; puisqu’il n’y a pas eu gangrène dans les vingt-quatre heures, il peut fort bien en revenir. Le général Michaud a eu la même blessure. Etc., etc.

Mais il ne faut pas parler d’opium, tout cela ne sert qu’à envenimer les partis. Il ne faut pas que Kortis jase. D’ailleurs, donnez le soin de vos enfants à une voisine à laquelle vous passerez quarante sous