Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/379

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mère te dira que jusqu’ici, pour employer une phrase des livres ascétiques, je l’aimais en toi. Mais il faut payer mon amitié d’un peu de gêne.

— De quoi s’agit-il ?

— Suis-moi.

Arrivé dans sa chambre :

— Il est capital de te laver de la calomnie qui t’impute d’être saint-simonien. Ton air sérieux, et même imposant, peut lui donner cours.

— Rien de plus simple : un bon coup d’épée…

— Oui, pour te donner la réputation de duelliste, presque aussi triste ! Je t’en prie, plus de duel sous aucun prétexte.

— Et que faut-il donc ?

— Un amour célèbre.

Lucien pâlit.

— Rien de moins, continua son père. Il faut séduire madame Grandet, ou, ce qui serait plus cher mais peut-être moins ennuyeux, faire des folies d’argent pour mademoiselle Julie, ou mademoiselle Gosselin, ou mademoiselle…, et passer quatre heures tous les jours avec elle. Je ferai les frais de cette passion[1].

  1. [Là-dessus, sans le dire à Lucien, M. Leuwen publie sa grande passion pour madame de Chasteller en la confiant à huit ou dix personnes de la première volée, mesdames de Rasfort, de Kast, etc., comme en se plaignant. Cela rend compte de la tristesse et du sérieux de Lucien.]