Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/42

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— C’est qu’il est insupportable ce soir, répliqua la bonne provinciale.

Et c’est à cause de cette naïveté, encore possible en province, que l’on peut quelquefois l’aimer. Il y a des mouvements de naturel et de vérité entre jeunes gens, sans conséquence, ni petites mines à la Sophie après se les être permis.

À peine madame de Chasteller fut-elle rendue à la solitude et au raisonnement qu’elle eut des remords effroyables de la visite qu’elle venait de permettre à Leuwen. Elle eut recours à un personnage que le lecteur connaît déjà ; il a peut-être gardé quelque souvenir méprisant d’un de ces êtres fréquents en province, où ils sont respectés, et qui se cachent à Paris, où le ridicule les poursuit, d’une mademoiselle Bérard, bourgeoise que nous avons rencontrée fourrée parmi les grandes dames, dans la chapelle des Pénitents, la première fois que Leuwen eut l’esprit d’y aller. C’était une fort petite personne sèche, de quarante-cinq à cinquante ans, au nez pointu, au regard faux, et toujours mise avec beaucoup de soin, usage qu’elle avait rapporté d’Angleterre, où elle avait été vingt ans dame de compagnie de milady Beatown, riche pairesse catholique. Mademoiselle Bérard semblait née