Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/61

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tages ne faisait rien pour l’amour de Leuwen ; il ne renaissait point. Il se parlait de madame de Chasteller comme un connaisseur se parle d’une belle statue qu’il veut vendre.

« Après tout, il faut qu’elle soit dévote au fond : avoir déterré cette exécrable demoiselle de compagnie le prouve du reste. En ce cas, je l’aurais bientôt vue blâmante, méchante, acariâtre… Et à propos, et les lieutenants-colonels[1] ?… »

Leuwen resta longtemps sur cette pensée.

« Je l’aimerais mieux, se dit-il enfin avec distraction, un peu trop avenante pour MM. les lieutenants-colonels que dévote ; il n’y a rien de pis, à ce que dit ma mère. Peut-être, continua-t-il du même air, n’est-ce qu’une affaire de rang. Depuis 1830, les gens de sa caste se persuadent que s’ils peuvent parvenir à mettre la piété à la mode, ils trouveront les Français plus faciles à plier devant leurs privilèges. Le vrai dévot est patient… »

Mais il était évident que Leuwen ne pensait plus même à ce qu’il se disait à lui-même.

À ce moment, un domestique arrivant

  1. Premier changement de direction : jalousie. Il n’est pas si sûr de son triomphe.