Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/62

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de Darney lui remit la réponse de madame de Chasteller à sa lettre de sept pages. C’était, comme on sait, quatre lignes fort sèches. Elles le frappèrent vivement.

« Je n’ai que faire de me donner tant d’embarras et d’avoir tant de remords parce que je ne l’aime plus ; elle n’en sera point en peine. Voilà l’expression de ses vrais sentiments. »

Il savait bien que le premier mot de madame de Chasteller, au Chasseur vert, avait été un désaveu de cette lettre. Cependant, elle était si courte et si vive ! Il en resta frappé, et frappé au point qu’il oublia la manœuvre. Son chasseur Nicolas vint le chercher au galop.

— Ah ! lieutenant, vous allez en avoir une fameuse du colonel !

Leuwen, sans mot dire, sauta à cheval et galopa.

Dans le courant de la manœuvre, le colonel vint à passer derrière la septième compagnie, où il était en serre-file.

« À mon tour, maintenant, » pensa Leuwen. À son grand étonnement, aucun mot grossier ne lui fut adressé. « Mon père aura fait écrire à cet animal-là. »

Cependant, la crainte vive de mériter quelque blâme le rendait fort attentif ce matin-là, et, peut-être par malice, le colonel fit recommencer plusieurs mouvements