Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/161

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retrouver la rue. Il se perdit en effet dans les rues de Caen et finit par entrer dans une église. Il trouva une sorte de bedeau mal vêtu, auquel il donna cinq francs en lui adressant la prière de le conduire chez l’abbé Disjonval. Cet homme sortit, lui fit prendre deux ou trois allées qui traversaient différents massifs de maisons, et en quatre minutes Leuwen se retrouva en face de cet abbé, dont les traits étaient si dénués d’expression la veille.

L’abbé Disjonval venait de faire un second déjeuner, une bouteille de vin blanc était encore sur sa table. C’était un tout autre homme.

Après moins de dix minutes de phrases préparatoires, Leuwen put, sans trop d’indécence, lui faire entendre qu’il donnerait cent mille francs pour que M. Mairobert ne fût pas élu. Cette idée n’était point repoussée avec trop d’énergie, après quelques minutes l’abbé lui dit en riant :

— Avez-vous les 100.000 francs sur vous ?

— Non, mais une dépêche télégraphique, qui peut arriver ce soir, qui certainement arrivera demain avant midi, m’ouvrira un crédit de 100.000 francs chez le receveur général, qui me paiera en billets de banque.

— On les reçoit avec méfiance ici.