Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/218

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sant pas les rues de Paris, hasardent de se retirer à cette heure[1].

L’étonnement de madame Leuwen était extrême, mais elle n’osait interroger son mari. La réponse eût été une plaisanterie.

M. Leuwen réservait toutes les forces de l’esprit de ses députés pour cette idée difficile qu’il leur faisait conclure de mille faits différents ou que quelquefois il osait leur présenter directement :

— L’union fait la force. Si ce principe est vrai partout, il l’est surtout dans les assemblées délibérantes. Il n’y a d’exception que quand on a un Mirabeau, mais qui est-ce qui est Mirabeau ? Pas moi pour un. Nous compterons pour quelque chose si aucun de nous ne tient avec opiniâtreté à sa façon de voir. Nous sommes vingt amis, eh bien ! il faut que chacun de nous pense comme pense la majorité, qui est de onze. Demain, on mettra un article de loi en délibération dans la Chambre ; eh bien ! après dîner, ici, entre nous, mettons en délibération cet article de loi. Pour moi, je n’ai d’avantage sur vous que d’étudier les roueries de Paris depuis quarante-cinq ans. Je sacrifierai toujours mon opinion à celle de la majorité de mes amis, car enfin,

  1. Modèle : me figurer M. Gérard donnant à dîner à Chenavas.