Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/228

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— Madame la comtesse, dit Lucien d’un air très doux, le fils d’un député opposant peut être désagréable à voir. Si ma démission pouvait être agréable au ministre…

— Ah ! monsieur, s’écria la comtesse en l’interrompant, ne croyez point cela. Mon mari ne me pardonnerait jamais s’il savait que ma conversation avec vous a été maladroite au point de vous faire prononcer ce mot, désolant pour lui et pour moi. Ah ! c’est bien plutôt de conciliation qu’il s’agit. Ah ! quoi que puisse dire monsieur votre père, ne nous abandonnez jamais.

Et cette jolie femme se mit à pleurer tout à fait.

« Il n’est jamais de victoire, même celle de tribune, pensa Lucien, qui ne fasse répandre des larmes. »

Lucien consola de son mieux la jeune comtesse, mais en séparant avec soin ce qu’il devait à une jolie femme de ce qui devait être répété à l’homme qui l’avait maltraité à son retour de Caen. Car, évidemment, cette jeune femme lui parlait par ordre de son mari. Il revint sur cette idée :

— Mon père est amoureux de politique et passe sa vie avec des députés ennuyeux, il ne m’a pas adressé la parole depuis six semaines.