Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/280

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ministre : je me ruinerais. La perte de ce pauvre Van Peters se fait vivement sentir. Nous avons été pincés dernièrement dans deux banqueroutes d’Amsterdam, uniquement parce que depuis qu’il nous manque je ne suis pas allé en Hollande. Cette maudite Chambre en est la cause, et le maudit Lucien que voilà est la cause première de tous mes embarras. D’abord, il m’a enlevé la moitié de votre cœur. Ensuite, il devrait connaître le prix de l’argent et être à la tête de ma maison de banque. A-t-on jamais vu un homme né riche qui ne songe pas à doubler sa fortune ? Il mériterait d’être pauvre. Ses aventures de Caen lors de la nomination de M. Mairobert m’ont piqué. Sans la sotte réception que lui fit le de Vaize, je n’aurais songé à me faire une position à la Chambre. J’ai pris goût à ce jeu. Maintenant, je vais avoir une bien autre part à la chute de ce ministère, s’il tombe toutefois, que je n’en ai eu à sa formation.

« Mais une objection terrible se présente : que puis-je demander ? Si je ne prends rien de substantiel, au bout de deux mois le ministère que j’aurai aidé à naître se moque de moi, et je suis dans une position ridicule. Me faire receveur général, cela ne signifie rien pour moi comme argent