Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/374

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dans tous les cœurs et qu’on ne le choque jamais impunément dans les pays où l’ironie a désenchanté les sottises. Un instant après, Lucien se reprocha vivement ce mot grossier à l’égard de sa mère, mais enfin, sans se l’avouer sans doute, cette excellente mère aussi avait attenté à sa liberté. Madame Leuwen croyait fermement avoir mis toute la délicatesse et toute l’adresse possibles à ses procédés, elle n’avait pas prononcé une seule fois le nom de madame de Chasteller. Mais un sentiment plus fin que l’esprit de la femme de Paris à qui l’on en accordait le plus avait donné à Lucien la certitude que sa mère haïssait madame de Chasteller. « Or, se disait-il, ou plutôt sentait-il sans se l’avouer, ma mère ne doit ni aimer ni haïr madame de Chasteller ; elle doit ne pas savoir qu’elle existe. »

[Le souvenir, vif et imprévu de madame de Chasteller avait fait une révolution dans le cœur de Lucien.

Mais il était enchaîné à Paris par la vive amitié qu’il avait pour ses parents.

La confidence de son père sur le marché fait avec madame Grandet fut une grande faute chez cet homme, adroit il est vrai, admirable d’expédients, mais trop de premier mouvement pour être politique.]

On pense bien qu’au milieu de telles