rappelaient à madame Grandet la nuit cruelle qu’elle avait passée, la mit en fureur. Pendant assez longtemps, elle fut comme hors d’elle-même.
Tout à coup (qui l’aurait imaginé d’un caractère dominé par la vanité la plus puérile ?), elle eut l’idée d’écrire à Lucien. Pendant une heure entière, elle se débattit avec cette horrible tentation : écrire la première. Elle céda enfin, mais sans se dissimuler toute l’horreur de sa démarche.
« Quel avantage ne vais-je pas lui donner sur moi ! Et que de journées sévères ne faudra-t-il pas pour lui faire oublier la position que la vue de mon billet va lui faire prendre à mon égard ! Mais enfin, dit l’amour se masquant en paradoxe, qu’est-ce qu’un amant ? C’est un instrument auquel on se frotte pour avoir du plaisir[1]. M. Cuvier me disait : « Votre chat ne vous caresse pas, il se caresse à vous. » Eh bien, dans ce moment le seul plaisir que puisse me donner ce petit monsieur, c’est celui de lui écrire, que m’importe sa sensation ? La mienne sera du plaisir, dit-elle avec une joie féroce, et c’est ce qui m’importe. »
Ses yeux dans ce moment étaient superbes.
- ↑ Mettre cela au moral. Style honnête.