Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/400

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nua-t-il, peut regarder comme le pire des maux d’être quittée, elle doit tout sacrifier pour éviter cette humiliation, même les intérêts de son ambition. Il se peut fort bien que ce ne soit pas l’amour qui fasse ces sacrifices, mais tout simplement la vanité, et la mienne serait bien aveugle si elle se glorifiait d’un triomphe d’une nature aussi douteuse. Il convient donc [d’]être rempli d’égards, de respect ; mais au bout du compte sa présence ici m’importune, je me sens incapable de me soumettre à ses exigences, son salon m’ennuie. C’est ce qu’il s’agit de lui faire entendre avec politesse. »

— Madame, je ne m’écarterai point avec vous du système d’égards les plus respectueux. Le rapprochement qui nous a placés pour un instant dans une position intime a pu être la suite d’un malentendu, d’une erreur, mais je n’en suis pas moins à jamais votre obligé. Je me dois à moi-même, madame, je dois encore plus à mon respect pour le lien qui nous unit un court instant l’aveu de la vérité. Le respect, la reconnaissance même remplissent mon cœur, mais je n’y trouve plus d’amour.

Madame Grandet le regarda avec des yeux rougis par les larmes, mais dans lesquels l’extrême attention suspendait les larmes.