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Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/401

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Après un petit silence, madame Grandet se remit à pleurer sans nulle retenue. Elle regardait Lucien, et elle osa dire ces étranges paroles :

— Tout ce que tu dis est[1] vrai, je mourais d’ambition et d’orgueil. Me voyant extrêmement riche, le but de ma vie était de devenir une dame titrée, j’ose t’avouer ce ridicule amer. Mais ce n’est pas de cela que je rougis en ce moment. C’est par ambition uniquement que je me suis donnée à toi. Mais je meurs d’amour. Je suis une indigne, je l’avoue. Humilie-moi ; je mérite tous les mépris. Je meurs d’amour et de honte. Je tombe à tes pieds, je te demande pardon, je n’ai plus d’ambition ni même d’orgueil. Dis-moi ce que tu veux que je fasse à l’avenir. Je suis à tes pieds, humilie-moi tant que tu voudras ; plus tu m’humilieras, plus tu seras humain envers moi. »

« Tout cela, est-ce encore de l’affectation ? » se disait Lucien. Il n’avait jamais vu de scène de cette force.

Elle se jeta à ses pieds. Depuis un moment, Lucien, debout, essayait de la relever. Arrivée à ces derniers mots, il sentit ses bras faiblir dans ses mains qui les avaient saisis par le haut[2]. Il sentit

  1. Au fond sorte de courtisane amoureuse.
  2. À la région du deltoïde.