Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/57

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avec beaucoup de pitié et de bonté : Le pauvre diable !

Leuwen ne répondait pas, Coffe continua à penser tout haut avec une cruelle franchise.

— Ici, c’était le mépris tout pur. Cela m’a fait penser au mot célèbre : on avale le mépris, mais on ne le mâche pas.

Ce sang-froid rendait Leuwen fou ; s’il n’eût été retenu par l’idée de sa mère, il eût déserté actuellement sur la grande route, se serait fait conduire à Rochefort, et de là il était facile de s’embarquer pour l’Amérique, et sous un nom supposé.

« Au bout de deux ans, je puis revenir à Blois et donner des soufflets au jeune homme le plus marquant de la ville. »

Cette tentation le dominait trop, il avait besoin de parler.

— Mon ami, dit-il à Coffe, je compte que vous ne rirez avec personne de mes angoisses.

— Vous m’avez tiré de Sainte-Pélagie où j’aurais dû faire mes cinq ans et il y a plusieurs années que nous sommes liés.

— Eh bien ! mon cœur est faible, j’ai besoin de parler, je parlerai si vous me promettez une discrétion éternelle.

— Je le promets.

Leuwen expliqua tout son projet de